05.11.2022
Iagona affiche ses ambitions
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Mablink développe la nouvelle génération d’une classe émergente de médicaments contre le cancer, les anticorps conjugués (ADC). L’anticorps est utilisé comme vecteur d’adressage pour guider la chimiothérapie vers la cellule tumorale. Entretien avec Jean-Guillaume Lafay, son CEO depuis 2018, qui revient sur le parcours de l’entreprise et l’histoire commune avec UI.
Mablink Bioscience vient de rejoindre le géant américain Eli Lilly, après cinq ans de développements ininterrompus dans la lutte contre le cancer. D’où est partie l’idée en 2018 ?
Le projet de Mablink est né lorsque trois amis et chercheurs de l’Université de Lyon – Warren Viricel, Benoît Joseph et Charles Dumontet – m’ont expliqué leurs difficultés à exploiter et valoriser un brevet qu’ils avaient déposé : une plateforme hydrophile de liaison médicamenteuse pour les conjugués anticorps-médicaments. Ils étaient aux limites de l’exercice de scientifique/chercheurs et cette idée nécessitait le prisme d’un entrepreneur parce que la meilleure idée du monde, scientifiquement parlant, ne suffit pas pour in-fine aider la collectivité. A ce stade, personne ne s’intéressait à leur approche car le secteur des ADC était en pleine crise. J’ai donc décidé de créer une entreprise avec comme première brique ce brevet et je leur ai proposé de participer au projet entrepreneurial. Ce fut une belle réussite industrielle. Très vite, et contrairement aux biotechs classiques qui sous-traitent l’intégralité de leurs opérations de R&D, j’ai souhaité créer une « véritable » entreprise, c’est-à-dire avec ses propres moyens de production et de R&D. A contre-courant de ce qui se pratique généralement au sein des startups, nous nous sommes fixés comme priorité de structurer préalablement Mablink : intégration des fonctions cadre, mise en place des processus, construction d’un ERP… C’est plus facile de faire décoller la fusée lorsque tous les étages sont opérationnels.
Parlez-nous de cette technologie. Pourquoi la comparez-vous à un « agent secret » ?
Les anticorps conjugués (ADC) sont une nouvelle génération d’une classe émergente de médicaments contre le cancer. L’anticorps est utilisé comme vecteur d’adressage pour guider la chimiothérapie vers la cellule tumorale. Le facteur de différenciation de Mablink, c’est le caractère furtif de la technologie. En masquant au corps humain la présence de médicaments, nos ADC laissent le temps aux traitements qu’ils véhiculent, appelés aussi charges utiles, de s’attaquer aux cellules tumorales, alors que les ADC aujourd’hui disponibles sont rapidement éliminés par les mécanismes de défense naturels de l’organisme. Pour faire court, c’est une sorte de Cheval de Troie. Il s’infiltre dans un système, détecte spécifiquement sa cible – la cellule malade – et la détruit sans rien toucher autour. Cette technologie offre le potentiel de traiter des cancers aujourd’hui intraitables, en complément voire en remplacement d’une chimiothérapie classique.
Jean-Guillaume Lafay, CEO de Mablink Bioscience
Entre 2018 et 2023, le rythme de croissance a été exponentiel et, avec lui, un appel au marché.
Mablink a levé 1,5 million d’euros grâce à des subventions françaises et des premiers petits contrats industriels au cours des deux premières années, puis a obtenu 4 millions d’euros en financement d’amorçage. En juillet 2022, grâce aux résultats précliniques du programme principal, Mablink a disposé de 31 millions d’euros supplémentaires provenant d’une série A, à laquelle a de nouveau participé UI d’ailleurs. Ça nous a permis de passer les différentes étapes précliniques réglementaires et de CMC (développabilité en vue de la production) de notre candidat médicament, ciblant le cancer des ovaires, qui devrait être testé sur l’Homme dès 2024. Cette excellente exécution de la part de l’équipe, nous a permis d’accélérer les développements de nouveaux candidats et notre capacité à produire, ça faisait partie de notre prise de risque. Si vous attendez d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché pour réfléchir à votre outil industriel, vous perdez un temps précieux. Et le temps, on ne l’achète pas.
Qu’attendiez-vous des investisseurs qui vous ont accompagné durant ces cinq années, dont UI ?
J’ai rencontré UI en 2020, alors que nous préparions la première levée. Il fallait convaincre des promesses de notre technologie et du rythme que nous souhaitions mettre dans cette aventure entrepreneuriale. UI nous a suivis dans nos ambitions un peu folles et accepté de leader le tour. La relation a été basée sur la confiance mutuelle et sans intervenir outre mesure sur la stratégie que je souhaitais conserver pour l’entreprise.
Aujourd’hui, vous passez le témoin Mablink à Eli Lilly, quel est votre sentiment sur le chemin parcouru ?
Quelle aventure… Je suis particulièrement fier de l’équipe que nous avons su constituer, elle est incroyable. D’autant, que j’ai toujours choisi des personnes sur la base de leurs valeurs humaines et non sur leurs CVs ou autres compétences mises en avant. Lors d’un récent pitch devant des investisseurs, on m’a fait remarquer que je n’étais pas assez présent, au profit de mon équipe rapprochée. C’était un très beau compliment ! Cela témoignait pour moi que l’équipe était équilibrée et complémentaire. Et puis il y a le but final : le patient. Sauver des vies valait bien tous ces efforts.
Société indépendante et spécialiste du développement des entreprises françaises non cotées, UI s’engage et s’investit, depuis plus de 50 ans, aux côtés de dirigeants de start-up, PME et ETI en croissance pour faire émerger et développer des entreprises économiquement et durablement performantes.
UI Investissement gère près d’1,5 milliard d’euros et s’investit auprès de 300 dirigeants dans des secteurs d’activité essentiels à la société comme la santé, l’agro-business ou les services et l’industrie. Le capital développement et transmission, cœur historique de l’activité d’UI, représente plus de la moitié de l’actif sous gestion et une cinquantaine d’entreprises qui peuvent s’appuyer sur l’expertise opérationnelle et les outils méthodologiques d’UI. En parallèle, les équipes et véhicules d’investissement dédiés à l’innovation et à la consolidation permettent d’accompagner les entreprises tout au long de leur cycle de vie et de contribuer au dynamisme économique des territoires.
UI s’appuie aujourd’hui sur plus de 70 salariés et 13 implantations régionales à Besançon, Clermont-Ferrand, Dijon, Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Nantes, Orléans, Reims, Rennes et Strasbourg en complément de ses équipes de Paris.